Temps de pause - Documentaire et société
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- Catégorie : Autres textes
- Publication : vendredi 14 novembre 2008 12:09
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Documentaire et société
La place des documentaristes dans notre société ne va pas pour moi au-delà de ce que nous pouvons produire, des enjeux que nous assignons à ce que nous pouvons produire :
Jacques je te le concède, la photographie comme le film travaille notre désir de connaissance, en ce qu'il est désir d'élucider le réel (ou plutôt de ses fragments). Mais à la différence des news (et leur accumulation hystérique), des reportages télés (et la démarche trop souvent vériste du journaliste : "ce que j'ai vu est vrai"), l'intention est en question et pose question : elle m'oblige à transformer mes angoisses en inquiétudes, mes plaisirs en jubilations, elle m'oblige à formuler pour moi, spectateur.
L'intention se mettant au travail sous mes yeux, sous mes sens, il y a quelque chance de tutoyer (ça serait déjà pas si mal) l'intérêt philosophique.
C'est à ce moment que l'intention, voire le sujet, (grâce à son récit concret, en gagnant la dimension symbolique), peut devenir allégorique. C’est ce que tu appelles les photographies emblématiques.
Mais la photographie comme le film est une proposition personnelle, signée : singulière et sanglière (pour ne pas oublier le qui je suis animal). Dans sa force individuelle, tout autant que sa fragilité : ce n'est que mon cri, mon expression, ma poétique, ma recherche, ma quête..., mais c'est mon cri.
Ce point de vue forcément esthétique affirme ton style en jeu avec l'intention. C’est la douce distance à laquelle tu te places pour photographier quelqu’un, comme ce moment avant de lui serrer la main. C’est ce rapport particulier entre le cadre et la personne photographiée, comme une interrogation sur le poids de l’un sur l’autre.
Certains parlent de traitement : je trouve que le mot s'est dévalué : la traite de quoi ? des "sujets" télévisuels ? La façon dont on traite les autres dans le film, avec le film : les gens filmés et le public ? C'est aussi une façon d'instrumentaliser l'esthétique : faire la bonne illustration du sujet, son bon traitement: traitez- moi ça, torchez-moi ça !
En définitive dans sa fonction d'assujettissement de rendre second le sujet vivant.
C’est ce que produit de plus sournois le traitement thématique.
Difficile de séparer l'esthétique et l'éthique au cinéma, comme en photographie.
Mais telle une proposition filmique tu proposes souvent des suites de photographies, un récit, une réflexion sensible séquentielle qui place dans une continuité ses tensions, ses respirations.
Dans un film comme dans une photographie, il reste l'ordre de la nécessité qui porte. En aval, présent ou pas, ce que le peintre nommant "le duende" disait roder du côté de la naissance de la lumière, du jaune aux troubles maronnasses qui malgré tout éclairent.
Jacques je te le concède, la photographie comme le film travaille notre désir de connaissance, en ce qu'il est désir d'élucider le réel (ou plutôt de ses fragments). Mais à la différence des news (et leur accumulation hystérique), des reportages télés (et la démarche trop souvent vériste du journaliste : "ce que j'ai vu est vrai"), l'intention est en question et pose question : elle m'oblige à transformer mes angoisses en inquiétudes, mes plaisirs en jubilations, elle m'oblige à formuler pour moi, spectateur.
L'intention se mettant au travail sous mes yeux, sous mes sens, il y a quelque chance de tutoyer (ça serait déjà pas si mal) l'intérêt philosophique.
C'est à ce moment que l'intention, voire le sujet, (grâce à son récit concret, en gagnant la dimension symbolique), peut devenir allégorique. C’est ce que tu appelles les photographies emblématiques.
Mais la photographie comme le film est une proposition personnelle, signée : singulière et sanglière (pour ne pas oublier le qui je suis animal). Dans sa force individuelle, tout autant que sa fragilité : ce n'est que mon cri, mon expression, ma poétique, ma recherche, ma quête..., mais c'est mon cri.
Ce point de vue forcément esthétique affirme ton style en jeu avec l'intention. C’est la douce distance à laquelle tu te places pour photographier quelqu’un, comme ce moment avant de lui serrer la main. C’est ce rapport particulier entre le cadre et la personne photographiée, comme une interrogation sur le poids de l’un sur l’autre.
Certains parlent de traitement : je trouve que le mot s'est dévalué : la traite de quoi ? des "sujets" télévisuels ? La façon dont on traite les autres dans le film, avec le film : les gens filmés et le public ? C'est aussi une façon d'instrumentaliser l'esthétique : faire la bonne illustration du sujet, son bon traitement: traitez- moi ça, torchez-moi ça !
En définitive dans sa fonction d'assujettissement de rendre second le sujet vivant.
C’est ce que produit de plus sournois le traitement thématique.
Difficile de séparer l'esthétique et l'éthique au cinéma, comme en photographie.
Mais telle une proposition filmique tu proposes souvent des suites de photographies, un récit, une réflexion sensible séquentielle qui place dans une continuité ses tensions, ses respirations.
Dans un film comme dans une photographie, il reste l'ordre de la nécessité qui porte. En aval, présent ou pas, ce que le peintre nommant "le duende" disait roder du côté de la naissance de la lumière, du jaune aux troubles maronnasses qui malgré tout éclairent.
Texte écrit pour "Temps de pause", parcours photographique de Jacques Windenberger, Éditions Bik et Book, Marseille 1999.
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