Récits de la Vallée

Récit de la valléeLivret - 60 p - 2001

Edition : Carnet de Ville

Auteurs : Bendjedid Bachir, Hassen Benati, Natalia Chauzenoux, Mélanie Didia, Ouria Djellouli, Hervé Frontier, Zakia Gasmi, Frank Gramatico, Marianne Matton, Stephen Millien, Noura Mohamed, Sophie Moras, Magali Ponsole, Cédric Saunier, Gérard Vespier.
 
 

Recueil de textes produits en atelier d’écriture dans la vallée de l’Huveaune à Marseille.
Sous la direction de A.Dufau et Michel Bijon

 

 



Extrait de "L'alchimie des esprits", de Gérad Vespier

"Un homme me regardait, une mallette en cuir fauve à la main, il me fixait.
Je ne savais si je devais lui repondre. Je soutins son regard pesant. Sa main gauche prés de son ventre bedonnant sur lequel reposaient ses lunettes.
Les bruits de pas claquaient sur le marbre du parvis de la gare.
Il vint plus près encore, sembla me scruter puis repartit d’où il était venu.
Etait-ce moi ou le lion qu’il regardait?
Le lion siégeait, fier, impassible, immortalisé dans le roc taillé. J’osai porter un regard vers ses yeux et je sentis sa puissance. Je demeurais à ses pieds telle une de ses futures victimes, je passais mes doigt sur la surface rugeuse de sa patte. Je caressais sa peau granuleuse, froide. Contre son flanc était adossé un enfant, un angelot tout couvert de  drapé tenait un message gravé dans la pierre pour l’éternité:
Le Monde est l’Energie.
Non loin de moi se dressait un lampadaire à la patine cuivrée. Des larmes de pluie avaient oxydé le bronze et laissaient derrière elles des coulures bleutées. Comme les vagues qui sculptent dans le sable des arabesques. Son pied était orné de dauphins gueules ouvertes comme pour cracher les flots.
Deux torchères sumontant les obélisques angulaires éclairaient l’escalier d’ascension vers la gare, similaires aux phares qui conduisent les voyageurs. Une montée entrecoupée de haltes. Les muses et les anges servaient d’escorte au flot grandissant de la foule qui entamait l’ascension périlleuse.
En bas au pied de l’édifice, un sphinx servait de divan à une amazone, à ses pieds reposaient des offrandes, des statues, de l’ivoire, des fruits, des coffrets sculptés, des trésors exotiques, ceux des colonies et de son faste.
Les lueurs des torchères se mouvaient sur le pavement. Comme des reflets ondulant les flèches des chapitaux de bronze, les dômes, les clochers se dirigeaient vers le firmament, défiant les éléments.
Vu d’ici, que le monde était beau et grandiose !

La lumière tombait. 

J’avais faim. (...) "